Palau, le cocktail absolu
Croisière et séjour plongée à Palau en Micronésie
Un reportage de Pascal Kobeh.
Souvent la question m’est posée : « Alors Palau, qu’en penses tu ? par rapport à Cocos ? ». La question est en fait assez pertinente. A tel point que je me suis souvent demandé ce que donnerait un match « Palau vs Cocos ». Durées pour s’y rendre similaires, budgets très proches, réputations flatteuses…, tout peut rapprocher ces deux destinations … ou les opposer !
Certes, l’on voit moins de gros et en moindre quantité à Palau. Foin de ces bancs de marteaux et autres requins soyeux qui obscurcissent la surface pour peu que l’on relève la tête du fond. Il n’y a pas non plus ces raies pastenagues qui tapissent la moindre anfractuosité rocheuse. Comparé à ce qui fait la renommée de Cocos, je dirais que Palau est un cocktail plus subtil, mais qui ne manque pas de piquant et peut tout aussi bien éveiller nos papilles.
Qu’on en juge plutôt.
En 2009, les autorités de Palau, ont créé dans la totalité des eaux de l’archipel le premier sanctuaire mondial des requins. Dans toute la zone, soit 630 000 km2, leur pêche est interdite.
Et en 2013, son Président a annoncé l’intention de créer une zone économique exclusive (ZEE) où toute pêche commerciale serait bannie. L’intention de développer le tourisme lié à la biodiversité marine est évidente et cela se remarque sous l’eau.
Que ce soit à German Channel, Blue Corner ou encore Ulong Channel pour ne citer que ces sites, confortablement accrochés au récif par le crochet inventé à Palau, les plongeurs ont pris l’habitude de contempler le spectacle qui immanquablement s’offre à eux. On se croirait presque devant un court de tennis où chacun tourne alternativement la tête à droite et à gauche, comme pour suivre l’échange. Sauf qu’ici, en lieu et place d’une petite balle jaune, ce sont requins gris et requins pointe blanche, bancs de carangues et barracudas qui passent et repassent, tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre pendant que les poissons-napoléons, si peu farouches viennent prendre leur part du spectacle.
Lorsqu’on veut varier les plaisirs et changer de sport, rien de tel que les platier et les tombants de Devil’s Mouth ou Orange Beach pour admirer quasiment à perte de vue (et la visibilité est généralement excellente, les 30/40 m étant une moyenne communément admise), les superbes constructions de madrépores que les polypes ont mis des milliers d’années à construire. Attention, palmage très délicat recommandé tant ces tables d’Acropora sont majestueuses et fragiles. De la dentelle de Bruges pour certaines. Et pour rehausser le paysage en taches de couleur, rien de tel que les superbes gorgones et alcyonaires comme à Siaes Tunnel et Siaes Corner.
Mais laissons cela aux esthètes et interpellons les amateurs de ferraille (je sais que beaucoup de plongeurs Français y sont sensibles). Là, nous parlons de vraies épaves. Une page sanglante de l’histoire de la Deuxième Guerre Mondiale s’est déroulée à Palau et elle y a laissé de nombreuses traces d’ailleurs tant sur terre que sous l’eau.
Ainsi la terrible bataille de Peleliu qui laissa sur le terrain plus de 2.000 soldats Américains et plus de 10.000 Japonais de septembre à novembre 1944 en est l’exemple le plus sanglant.
Pour ce qui nous concerne, les épaves du Techio Maru, un cargo japonais, du Iro, un tanker militaire japonais de 470 pieds de long, du Amatsu Maru, un tanker militaire japonais de 502 pieds de long, de l’hydravion japonais Aichi E13A Navy Type 0, connu sous le code allié de Jake Seaplane, tous coulés en 1944, raviront les passionnés d’épaves, tous niveaux confondus car à toutes profondeurs. Et la liste est loin d’être exhaustive.
Plonger à Palau, c’est aussi parcourir un épisode de l’histoire du dernier conflit mondial.
Mais les attraits de Palau ne se limitent pas à tout ce que je viens d’énumérer ci-dessus. L’architecture des récifs Blue Holes, avec ses superbes jeux de lumière, ses rayons de soleil venant frapper des silhouettes des plus photogéniques, Siaes Tunnel, avec ses différentes entrées et sorties, son banc de carangues qui immanquablement tapisse le fond et ses superbes gorgones et coraux mous qui, avec leurs couleurs chaudes, se découpent somptueusement dans le bleu des ouvertures et enfin Chandelier Cave aux airs de cénotes mexicains avec ses stalactites que l’on peut admirer en refaisant surface et en enlevant masque et détendeur avant de s’immerger à nouveau et poursuivre l’exploration de la suivante des quatre grottes rehaussent ce cocktail de sensations sous-marines.
Enfin, phénomène quasi-unique au monde, on ne peut faire l’impasse sur ce fameux lac aux méduses qui a contribué à la réputation de la destination. L’île d’Eil Malk, partie des Rocky Islands, située dans le lagon sud de Palau entre Koror et Peleliu abrite cette population de plusieurs millions de méduses principalement mastigias ou méduses dorées, considérées comme une sous-espèce spécifique (Mastigias cf. papua etpisoni) de celles vivant dans les lagons alentours, avec aussi, en nombre plus restreint des méduses Aurélie ou méduses lunes (Aurelia aurita).
Ce lac qui aurait environ 12.000 ans est relié à l’océan par des fissures et des tunnels à moitié obstrués. C’est par eux, quand ils étaient ouverts, que ce seraient retrouvées piégées toutes ces méduses. Contrairement à ce qui est couramment annoncé, elles n'ont pas perdu leurs cellules urticantes (cnidocytes) mais sont cependant inoffensives car celles-ci sont minuscules et les morsures indétectables, donc, sur la peau. Mon modèle, les autres « snorkelers » et moi-même, loin d’être des adeptes médusés (c’est le cas de le dire !) de Sacher-Masoch, en furent la preuve vivante, tous pataugeant avec délice dans cette « soupe » de méduses.
Enfin, en guise de cerise sur le gâteau ou plutôt d’olive pour rehausser la saveur de ce cocktail, plusieurs fois par an, le Siren Palau, organise des croisières où l’on peut assister à la reproduction de certaines espèces présentes dans les eaux de l’archipel.
C’est par milliers, voire par dizaines de milliers d’individus que lutjans rouges ou poissons-perroquets à bosse pour ne citer que deux–là se regroupent pour frayer. Ce spectacle unique au monde vaut à lui seul le voyage.
En outre, lors de ces croisières uniques et exclusives, il est également possible de plonger de nuit en pleine eau, afin de saisir dans le noir (quand le courant le permet) dans le faisceau de sa lampes des larves de poissons ou autres créatures qui peuvent évoquer en miniature les monstres des abysses. Frissons d’excitation garantis !