La Dominique, l’île nature
Voyage et séjour plongée à La Dominique
Un reportage de Carole Lemaitre et Erwan Amice
Le bateau qui nous emmène en Dominique, île située entre la Guadeloupe et la Martinique, emporte dans son sillon sinueux et mousseux une bonne partie de nos préoccupations et soucis quotidiens… On se sent alors bien plus légers en posant le pied sur ce caillou de 47 km de long sur 25 km de large : à nous ce petit paradis vert dont nous avons déjà aperçu les reliefs recouverts d’une végétation luxuriante !
Roseau, la capitale, est animée par le bal incessant des bus taxis qui tournent autour de la gare maritime à chaque arrivée de ferry. A quelques mètres, des étalages colorés offrent déjà leurs trésors de souvenirs sculptés, cousus et brodés, ou encore peints qui feront perdurer le temps des vacances, lorsque les habitudes seront reprises et la routine réinstallée.
Nous avons la chance d’avoir un guide souriant et fort sympathique qui propose des services salvateurs : mes épaules se déboîtent avec ces satanés sacs alourdis du matos de plongée, des appareils photos et des quelques tenues estivales…
Finis les pulls en laine et les grosses chaussettes de l’hiver ! Ici, il faut le dire, il fait sacrément bon ! Le soleil est au rendez-vous et nous nous hasardons sur les pontons, devant l’hôtel : une eau cristalline appelle déjà à la baignade… laquelle ne tardera pas, le temps de reconstituer un semblant de rangement dans mon méli-mélo habituel -bel euphémisme- et de prendre connaissance des lieux.
Une exquise demoiselle, Anne Williams, souriante et incroyablement aimable nous attend : il s’agit d’une des responsables du Fort Young Hôtel, la meilleure adresse de l’île, située à Roseau, près de l’embarcadère.
Elle se charge de nous mettre en relation avec le Centre de Plongée implanté dans l’hôtel. Le programme des festivités est établi avec le chef de centre: dès demain, nous baignerons au milieu des bulles, des hippocampes, des éponges bedonnantes, des poissons à profusion…Juste le temps de reprendre quelque repos et charger les pellicules !
Le lendemain matin…en route pour l’aventure ! Elle va être enivrante !
Nous allons tout d’abord découvrir « Champagne » : il s’agit d’une plongée sur petite profondeur qui nous est présentée avec précision (et en anglais) par le moniteur
Entre les chapelets de bulles qui témoignent de l’activité volcanique de l’île, de gros cailloux parsemés de gorgones et d’éponges colorées abritent des hippocampes, des poissons crapauds et des poissons trompettes indolents, nullement impressionnés par notre présence. Les faisceaux de lumière dorent les roches, mettent en valeur les circonvolutions du corail sur lequel se perchent de minuscules gobies jaunes à têtes bleues. Des poissons demoiselles, toujours aussi courageux, viennent et repartent dans un ballet incessant, défendant opiniâtrement leur territoire. L’un d’entre eux poussent l’inconscience jusqu’à se confronter à mon masque en un « coup de tête » magistral…
Du côté du village de la Soufrière, près de la péninsule de Scotts Head, qui est une réserve marine, nous découvrons de superbes crinoïdes aux longs bras dorés qui établissent demeure là où bon leur semble, dans une éponge vase d’un violet éclatant, sur une roche orangée, entre deux gorgones aux rameaux blanchâtres couverts de polypes bien ouverts.
Une queue leu leu de calmars dont les gros yeux brillants nous observent, s’éloigne à coups réguliers de tentacules. Il est vrai que l’œil unique de mon hublot doit impressionner quelque peu ces animaux méfiants…
Par ailleurs, planqué dans un trou de roche, notre guide débusque celui d’un poulpe contorsionniste. Il verdit à notre approche et nous ne l’ennuyons pas plus longtemps. Un poisson papillon attire notre attention et virevolte devant mon objectif : sans doute s’agit-il là d’une star en quête d’un regain de notoriété.
Sur un des autres sites, tous définis par des bouées mouillées précisément, à proximité de Scott Head, on nous annonce la présence d’hippocampes et nous ne sommes pas déçus : nous découvrons en effet deux de ces adorables créatures, étroitement unis à une éponge et à une gorgone.
Le premier d’un jaune doré se laisse bercer par le courant modéré tandis que le deuxième active sa nageoire dorsale brune afin de s’équilibrer sur son support. Un poisson-coffre juvénile passe par là, dérangé dans sa trajectoire par notre présence opportune.
Un banc de labres d’un bleu translucide nous entoure alors que nous entamons la remontée le long du mouillage. Quelques petites méduses siphonophores apparaissent, révélées par les rayons de soleil fusant par cinq mètres de fond : à éviter car elles sont urticantes !
Autour de dômes coralliens, nous apercevons deux petites murènes peu farouches qui chassent en pleine eau : leur livrée noire tachetée de blanc contraste fortement avec les couleurs chaudes environnantes. Sous une roche, deux antennes attirent notre attention : il s’agit d’une énorme langouste épineuse. De toute ma vie de plongeuse je n’ai vu une telle bête ! La guide qui nous accompagne en reste également abasourdie, si je me fie à la pause admirative à laquelle nous nous soumettons. Les antennes tâtent le hublot de mon caisson, ce qui nous vaut un retrait stratégique prudent…
Au gré des plongées réalisées, il apparaît évident que l’« effet réserve » a une incidence réelle sur la prolifération et la richesse des espèces sous-marines. Il faudrait encore une longue série de plongées pour découvrir cette diversité, laquelle s’épanouit tout au long des côtes dominicaines. Au large, il est très courant -85 % de chances !- de rencontrer des mammifères marins, tels que les dauphins Stenella, des globicéphales, des cachalots et les centres de plongée se font un honneur de les débusquer, aidés par une écoute attentive des chants ou sons produits par ces animaux, grâce à des hydrophones immergés.
La Dominique est aussi un paradis terrestre par la beauté de ses paysages : un premier contact par un téléphérique traversant la forêt apparaît comme une solution originale et souvent agrémentée d’une pluie tropicale, des sentiers de randonnées très nombreux permettent d’appréhender une variété de végétation incroyable : plus de mille plantes ont été ainsi identifiées, 172 espèces d’oiseaux, dont les colibris qui semblent butiner les fleurs dans un battement d’ailes incessant.
Lorsque nous goûtons aux eaux chaudes de « Titou Gorge » , trou d’eau approvisionné par l’une des 365 rivières de l’île, nous remontons ce serpent d’eau transparente, étroitement coincé entre deux remparts rocheux couverts d’une végétation luxuriante. Des faisceaux lumineux littéralement divins transpercent ce toit de verdure pour diffuser leurs myriades d’étoiles dans les piscines naturelles d’un vert émeraude qui alternent avec les chutes et les toboggans, tout en formes arrondies.
Un lieu plus touristique, celui de « Trafalgar Falls » offre également des perspectives de baignades éclaboussées d’écume, sur deux niveaux accessibles après un parcours hésitant sur des roches polies. Après l’écume, la brume : l’approche du Lac Boéri nécessite quelques efforts, au gré d’un sentier au dénivelé irrégulier. La terre, riche en oxyde de fer passe ici par différentes nuances de couleurs et le goût de l’eau est fortement marqué, renforcé par une odeur bien spécifique. Les veines orangées ruissellent ainsi au milieu des larges feuilles ponctuées de fleurs ouvertes généreusement.
Découvrir la Dominique, c’est aborder un lieu préservé de toute dévastation liée à un développement touristique et urbain mal géré ; c’est également aller à la rencontre d’une population qui se satisfait de conditions de vie simples et sait se montrer accueillante à l’égard des étrangers ; c’est enfin accéder à un univers sous-marin exceptionnel, très coloré, bénéficiant de formes de vie variées et accessible à tous niveaux de plongée.
Découvrir la Dominique, c’est aussi sûrement accepter l’idée d’avoir le projet d’y revenir : on ne « fait » pas la Dominique, on y goûte un peu, on l’aime beaucoup et on en rêve passionnément…
Carole Lemaitre & Erwan Amice