Voyage au pays des mille et une nuits étoilées
Voyage et séjour plongée au Sultanat D’oman
Un reportage de Carole Lemaitre et Erwan Amice
Dans l’avion, je subis déjà l’envoûtement des lieux en parcourant une nouvelle fois les aventures de Sindbad le Marin …Mon esprit vagabonde entre deux palais aux dômes étincelants sur lesquels se poseraient des oiseaux merveilleux, aux plumes diaphanes…Je survole le désert aux courbes dorées, parsemé d’îlots de fraîcheur, je frôle les roches dans lesquelles se dissimule quelque grotte au trésor, gardée par des brigands sanguinaires… L’imagination va bon train, sollicitée par les extraordinaires histoires des mille et une nuits étoilées, les douces effluves échappées du voile d’une femme aux yeux sombres ou les quelques notes d’une musique orientale. Mais la voix du pilote me rappelle à cette réalité enthousiasmante : je vais découvrir le Sultanat d’Oman !
Avant d’arriver en ces lieux, comme toute voyageuse un tantinet curieuse, je me suis informée : auparavant replié sur lui-même, le Sultanat est réapparu dans le monde en marche en 1970, date de l’avènement du Sultan Qabus. Hier patrie de fiers marins et hardis marchands, fondateurs d’un empire colonial puissant, le pays a retrouvé son importance historique après une veille de plus d’un siècle. Devenu le gardien de l’incontournable détroit d’Ormuz, par lequel transite la plus grande partie du pétrole produit dans la région du golfe arabo-persique, avec ses 21 200 Km2, le Sultanat d’Oman occupe une position stratégique, voisin du Yemen, de l’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis.
Si la mer favorise les relations extérieures et contribue en cela à l’enrichissement du pays, les Wadis ou cours d’eau naturels ainsi que les falajs, réseaux de canalisation, permettent une irrigation suffisante pour créer des oasis, condition indispensable à l’établissement d’un monde rural en milieu semi-désertique. L’eau est bien aussi ici un élément fondamental.
Je descends de l’avion et je goûte à la température clémente du mois de novembre, l’été étant ici plutôt torride.
Rob et Brigitte, nos hôtes nous attendent avec le sourire : ces sympathiques anglais sont tombés amoureux des lieux et sont chargés de nous proposer des services de rêve : balade dans le désert, plongées avec les différents centres de la région, promenade au souk…
Nous montons dans le 4X4 et je constate que les routes, toutes en excellent état, sont fort peu fréquentées. Muscat, centre de vie posé dans le désert est en fait la capitale du Sultanat à partir de laquelle nous commencerons notre périple subaquatique…
Au centre de plongée, dans le sud de la ville, nous apprécions la structure, installée dans une marina récente, dans laquelle se côtoient yachts et bateaux traditionnels. Le bateau rapide nous conduit sur le premier site en vingt minutes : il s’agit d’une épave, un ancien bateau de débarquement, construit en 1979, "Al Munnassir". Avec ses 84 mètres de long, il est posé sur trente mètres de fond. Coulé en 2003 afin de constituer un récif artificiel, ce bateau d’origine anglaise révèle une plate-forme hélico, des coursives extérieures colonisées, une ouverture liée à la suppression d’une tourelle de canon. L’eau verte me rappelle les couleurs d’Atlantique. Je saisis quelques images intéressantes de portes béantes. Les hublots ont disparu facilitant les déambulations de nos amis à écailles. Un gros baliste me passe sous le nez et je perturbe à peine son déjeuner : au menu, des algues brunes !
Lors de la seconde plongée, nous sillonnons la baie de Muscat et nous découvrons des dauphins qui chassent un banc d’anchois ou de sardines. A quelques mètres de surface, la vie foisonne et attire les prédateurs…Nous les suivons : les courbes d’argent fendent le bleu sombre de l’eau, bondissant avec une puissance incroyable pour retomber après une pirouette. Ils jouent ! Les petits, plus hardis et innocents se risquent à approcher le bateau, rapidement rejoints par les adultes qui les incitent à s’éloigner…Nous sommes redevenus des enfants enthousiastes, avec nos yeux démesurément ouverts et nos exclamations ininterrompues !
Les îlots de Daymanyiat offrent des plongées également exceptionnelles : l’eau y est d’un bleu plus soutenu et la vie prolifère.
Nous y rencontrons des tortues, dont l’une peu farouche se laisse suivre et nous guide au milieu des étendues de coraux mous. Une raie aigle est posée sur le fond sableux et s’envole à notre approche. Alors que je me hasarde entre deux roches, j’ai le plaisir de faire connaissance avec le sourire d’une murène léopard qui semble hésiter entre le confort de son trou et les perspectives alléchantes de l’extérieur…
Je n’insiste pas et laisse la belle à son questionnement existentiel car mon compagnon de palanquée a des envies de célébrité et prend la pose sous une arche mais je dois presser ce top-modèle improvisé : le moment de la remontée est arrivé.
Un banc de barracudas imperturbables fend les eaux par dix mètres de fond et ne daigne pas même nous accorder une oeillade…
Avant le départ, Rob et Brigitte nous proposent de découvrir le désert. Il s’agit véritablement d’un lieu magique…
Notre véhicule posé en haut d’une dune, nous glissons sur le flanc de celle-ci, dont la courbe se prolonge en une forme parfaite, sous un ciel d’un bleu immaculé. Je m’abandonne au plaisir de laisser ma trace, mon sillon, au milieu des grains dorés minuscules qui bientôt me recouvrent. Je roule avec une certaine griserie jusqu’en bas et ce petit jeu puéril est attractif puisque, bientôt, tous mes compagnons s’y soumettent !
Plus loin, le sol s’aplanit et des cicatrices implacables le parcourent jusqu’aux montagnes bleutées qui limitent l’horizon.
Une haute silhouette apparaît bientôt et semble se rapprocher : il s’agit d’un dromadaire esseulé, attiré par l’agitation du petit groupe. Il broute une touffe d’herbe, évalue un buisson sec et nous observe. Il fut peut-être, jadis, la monture d’un de ces cavaliers du désert et sans doute se livra-t-il à quelque course…
Nous arrivons bientôt à un fort dont la silhouette massive, adoucie par les créneaux ronds, se profile, encadrée par quelques palmiers. Nous y pénétrons et apprécions la fraîcheur et l’étrange sérénité des lieux. Un guide nous en découvre les secrets : cachots, système d’irrigation, etc.
Après ce périple fantastique dans le désert, retour à la civilisation de Muscat : le Souk est couvert d’un toit constitué d’un tressage complexe très harmonieux et il abrite bon nombre d’artisans ; ses couleurs, ses senteurs et son animation s’offrent à nous. Des bijoux aux tissus, des poteries aux paniers, les marchands exposent tranquillement leurs produits ; leur attitude est paisible, accueillante. Nous nous soumettons aux traditionnels achats-souvenirs afin que perdurent ces instants bénis durant lesquels les cultures se rencontrent et s’acceptent…
Sinbdad est bien au chaud dans ma valise, coincé entre un guide et un magazine…Il redéploiera sa stature de personnage littéraire, là-bas, quand rentré au pays, j’éprouverai quelque nostalgie. J’aurais alors besoin de lui pour m’imprégner tant qu’il me plaira de cette magie orientale à laquelle j’ai goûté lors de ce séjour au Sultanat d’Oman…
Texte : Carole Lemaitre
Photos : Erwan Amice