Afrique Australe, à la rencontre des GEANTS
Un reportage de Serge Bath - Guide de Bleu Autrement
5 août – 16h00. Solidement campée sur ses pattes, la femelle éléphant de deux tonnes nous fait face et agite ses larges oreilles déployées en un geste préventif sans équivoque : « N’approchez pas, je protège mon petit », nous signifie t-elle ainsi ! Silence prudent et respectueux des passagers à bord du Land-Rover.
Fascinant monde technologique : hier encore, nous vaquions à nos occupations quotidiennes en métropole. En moins de 24 heures, l’A380 de la Lufthansa nous a acheminés au cœur de l’Afrique Australe, pour notre 5ème édition de ce safari terre-océan, à la rencontre des plus gros animaux du globe !
Le Kruger Park
Situé au nord-est du pays, dans le Transvaal, le parc cumule les superlatifs : ancienneté (début du 20èmes.), étendue (20.000km2), infrastructures, vision animalière... Bordé par le Zimbabwe au nord et le Mozambique à l’est, il est traversé par un important réseau de cours d’eau. Les écosystèmes sont naturels – sans intervention humaine – et présentent de multiples facettes : savane, bush (épineux et arbres nains), acacias, arbres à éléphants.
La faune est un vrai festival, avec 8.000 éléphants, 2.000 rhinocéros, 2.000 lions, 1.000 léopards, 32.000 zèbres, 22.000 buffles, plus de 100.000 antilopes de différentes espèces. Sans compter les girafes, les hippopotames, les guépards, les hyènes et les oiseaux de toutes sortes ! Le parc emploie 2.500 agents spécialement formés, dont 600 se consacrent exclusivement à la protection de la nature et des animaux (rangers). Le contrôle du braconnage y est très strict.
Il existe deux façons de visiter le parc : visites individuelles ou collectives, en utilisant le réseau routier – soit 900km goudronnés et 1.700km de pistes – et des lodges publics, ou des lodges privés mettant à disposition des guides et des installations haut-de-gamme.
Pour nos safaris, nous avons sélectionné le KAMBAKU lodge, dans la réserve privée du Timbavati. En pleine brousse, le Kambaku lodge est ceinturé par une défense électrique et fonctionne de façon efficace : entièrement rénové en 2008, il se compose de sept bungalows doubles, qui ceinturent une grande case centrale servant de restaurant et de salon, avec une décoration locale très bush. Les salles d’eau de chaque bungalow sont superbes, nous admirons les animaux depuis nos douches ! La nourriture est abondante et de qualité, tout comme la cave à liqueur, très bien approvisionnée...
Nous constatons dès notre arrivée que la réputation du parc n’est pas surfaite : premier safari, et déjà presque un Big5, avec trois rhinos, plusieurs buffles et éléphants, et même notre premier léopard ! Et pendant trois jours, au rythme de deux safaris quotidiens, nous nous laissons chouchouter et guider par nos hôtes sud-africains : réveil à 5h30, café-thé-cookies, ballade en 4x4 avec un pisteur et un guide, rencontres sauvages...
Après un gros brunch, sieste ou contemplation des animaux depuis la terrasse d’observation du camp, puis nouvelle ballade au milieu des animaux jusqu’à la nuit tombée, avant l’exercice de tri des dizaines de photos collectées dans la journée.
Déjà le 3ème jour, et dernière ballade, avec une aube glaciale – c’est l’hiver, à 1.000m d’altitude – mais un lever de soleil à pleurer de beauté, dans un ciel bleu d’une pureté de cristal ! Le temps de boucler nos sacs, et notre petit groupe se prépare au transfert vers le Mozambique voisin...
Plonger au Mozambique
Quitter l’Afrique du Sud pour le Mozambique, c’est revenir en arrière dans le temps de plusieurs décennies ! Malgré son passé récent particulièrement difficile pour cause de guerre civile postcoloniale, le Mozambique appartient encore à ce que nous appelons l’Afrique traditionnelle et heureuse : malgré les cases au sol de terre battue, malgré le déficit de distribution de l’eau et de l’électricité, surtout dans les campagnes, les mozambicains sourient et rient, et semblent heureux de tout simplement vivre. Partout, en tout cas le long du littoral, le poisson et les fruits et légumes abondent : avocats, ananas, mangues, goyaves, papayes, maracujas, bananes, cocos.
Notre première étape nous conduit à ZAVORA, quelques centaines de kilomètres au nord de Maputo, la capitale du pays : on quitte la route principale, puis direction plein est sur une piste de latérite rouge pendant 20km, serpentant entre les bananiers et les plantation de cocotiers, traversant ici et là un village de paillottes. A la dernière minute, jusque là caché par une dune de sable géante, l’Océan Indien nous saute au visage.
Le lieu est sauvage, tant la terre que la mer !
Nous avons prévu d’effectuer dix plongées à Zavora, et plusieurs safaris en snorkling, en semi-rigide au départ de la plage : le plateau marin remonte lentement vers la cote, donc pas de tombants, mais des récifs de fond, des petits murs, des failles...
Les profils sont carrés, sur 20, 25 ou 30m, avec une utilisation systématique du nitrox. Il y a beaucoup de plancton dans cette partie du Canal du Mozambique, avec une visibilité souvent réduite à 5/6m, mais c’est le prix à payer pour rencontrer du gros.
Car ici, les géants sont partout, poissons ou cétacés, loches, pastenagues ou Mantas, requins-baleines, dauphins et baleines à bosse.
Les baleines... Elles sont omniprésentes, seules ou en couple, avec ou sans petit, qui nagent, qui sautent, qui dorment. Une orgie de beauté qui nous serre le cœur ! Mais lisons ensemble notre relevé de plongée du 12 août : « Large de Zavora : deux baleines endormies semblent flotter en surface ; nous nous glissons dans l'eau et les approchons à quelques mètres ; les géantes semblent comme suspendues dans l'eau, les yeux fermés, sans un tressaillement. Nous les observons quelques minutes avant leur réveil.
Plus loin, deux autres, dont l'une qui dort… verticalement ! la queue noire et blanche immobile, majestueuse, bien droite au-dessus de la surface. Magique !
Sur le chemin du retour, encore deux autres, dont l'une qui allaite en dormant, son petit jouant de ses nageoires pectorales sous nos yeux d'enfants. Superbe spectacle ! »
Ou encore, plus classique, mais fascinant, celui de notre immersion sur le RIO SAINAS, un chalutier coulé au printemps 2013 à quelques encablures de Zavora : « L’épave est posée bien à plat sur le fond de sable, par 34m, la visibilité est médiocre, environ 3m ; c’est une véritable nurserie pour les glassfish, les poissons hachettes, les barracudas juvéniles, et un refuge médiocre pour les sardines et les anchois qui grouillent dans une lumière verdâtre, explosant sous les assauts des carangues bleues qui passent et repassent. Nous nous glissons sous la coque, nous faufilant entre le safran et l’hélice, où nous dérangeons un énorme mérou patate, et tombons nez à nez avec deux bars géants tapis dans l’ombre. Combien mesurent-ils ? Près de deux mètres ? Nous nous sentons soudain petits et bien vulnérables. Il est temps de remonter, au passage nous constatons qu’en quelques mois, les superstructures de l’épave sont déjà colonisées par des dizaines de petites langoustes. Palier au milieu d’un banc de platax juvéniles, curieux comme toujours. Super plongée ! »
Le temps passe, et il nous faut déjà quitter la sauvage Zavora pour un autre spot plus connu, la plage de TOFO, plus au nord vers Inhambane. Comment définir Tofo, la « Mecque » du requin-baleine ? C’est le bout de la route, le bout du monde : une grande plage de sable en arc de cercle, les cases ombragées sous les sycomores... Plus de monde qu’à Zavora aussi, avec des bars et autres petits restaurants de poissons, ambiance cool et sportive. Et Tofo sert toujours de champ d’observation pour plusieurs scientifiques, spécialistes des raies manta et des requins-baleines.
Nous plongerons au nitrox, sur des profils sensiblement identiques à ceux de Zavora, avec deux plongées successives le matin, bien pratiques pour nous laisser nos après-midis libres. Laissez vous guider sur OASIS, notre plongée du 14 août, au large de Tofo : « Sec au large, à 26m. Une épaisse couche de soupe de plancton sur 15m, puis une eau bleue violette très claire avec un faible courant, sur un fond tapissé de mini acroporas intactes. Vie de récif très riche, bancs de balistes bleus et de chirurgiens, des murènes panthères, langoustes, tortues vertes, mérous bleus… Sur le fond, un gros nudibranche broute, comme une énorme limace jaune rayée de bleu, disputant la nourriture à deux énormes porcelaines panthères. Un petit requin pointe blanche décolle du fond sous nos palmes, une baleine nous passe sur la tête ! Sur le trajet du retour, avec une mer d'huile assez exceptionnelle, nous croisons des dauphins à bosse ! Et d'autres baleines, et deux belles tortues caouannes en surface, au milieu d'un groupe de thons à queue jaune en chasse, qui sautent le long du bateau. Fantastique ! »
Et encore d’autres plongées, d’autres rencontres... Sur terre aussi, en allant palabrer au marché avec les mozambicains, acheter deux tomates et trois avocats pour une salade sur la terrasse du bungalow. Le temps nous glisse entre les doigts, le jour du retour approche. Une dernière soirée africaine au rythme du reggae et du zouk, avant de repartir vers Johannesburg et l’Europe. Mais nous reviendrons, les baleines seront là l’an prochain !
Serge Barth
Bleu Autrement
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